Églises de Corrèze > Introduction

INTRODUCTION

Le Bas-Limousin qui devint, en 1790, le département de la Corrèze, constituait la partie méridionale du diocèse de Limoges, jusqu’à la création du diocèse de Tulle en 1317. Aussi son histoire est-elle indissolublement liée à celle de la métropole religieuse tout en présentant une originalité indéniable sur le plan artistique, la diversité des styles répondant à la variété des paysages...

Il ne reste plus de vestiges des premiers sanctuaires chrétiens contemporains de l’évangélisation par les disciples de saint Martial. Nous savons qu’au début du Ve siècle, lors des grandes invasions, saint Martin dit l’Espagnol, en raison de son origine ibérique, répandit ses bienfaits sur Brive, ville de son martyre. Mais la basilique qui lui fut dédiée subit l’assaut des pirates normands qui la ravagèrent, ainsi que toutes les églises et les abbayes où la population avait trouvé refuge. La reconstruction est activement entreprise dès le début du XIe siècle qui voit renaître les puissantes abbayes de Beaulieu, Brive, Tulle, Uzerche et Vigeois. La variété des matériaux fait le charme de ces églises. Aux granits de Treignac, Ussel, Argentat, Lubersac et Eyrein, succèdent les grès bigarrés qui s’étendent jusqu’à Objat, Beaulieu et Lissac, puis les grès rouges qui flamboient à Meyssac, Noailhac et Collonges. Le calcaire affleure à Turenne et à Nazareth. Le schiste, enfin, sur les rives de la Vézère, a servi aux bâtisseurs du Saillant et d’Allassac.

«Les matériaux étaient excellents et les maçons habiles», écrit René Fage. D’où la floraison de l’art roman qui s’épanouit du XIIe au début du XIIIe siècle. Il est le style le mieux représenté, en architecture comme en sculpture. Plutôt que d’école, il convient de parler de famille limousine dont les traits essentiels sont les clochers à gâbles dont le prototype est celui de Collonges et les clochers-murs rectangulaires ou à pignon triangulaire, si caractéristiques de nos villages. Les portails découpés en arcs festonnés, trilobés ou polylobés, encadrés de fines colonnettes, sont peut-être un souvenir rapporté d ‘Espagne par les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Mais cette éclosion est arrêtée par la guerre que se livrent les armées des royaumes de France et d’Angleterre, après le mariage, en 1152, d’Henri II Plantagenêt et d’Aliénor d’Aquitaine. Les routiers à la solde du roi et de son fils, Richard Cœur de Lion, sont de «grands voleurs, grands pillards, ne vivant d’autre rente et d’autres profits que ceux de la rapine» (Bertrand de Born). En ces «temps anglais», peu propices à l’art, le style gothique ou «français», venu du nord, s’implante difficilement en Bas-Limousin. Il a cependant produit une oeuvre majeure, le clocher de la cathédrale de Tulle dont «l’aiguille pyramidale» fut jadis considérée comme la plus belle de France et une création insigne, le tombeau de saint-Etienne à Aubazine...

En pleine guerre de Cent Ans (1337-1453), éclôt le «rosier limousin», nous dirions aujourd’hui «corrézien»... Successivement montent sur le trône de saint Pierre Clément VI, fils d’un petit seigneur de Rosiers d’Egletons (1342-1352), Innocent VI né au village des Monts, près de Pompadour (1352-1362) et Grégoire XI, originaire de Maumont (1370-1378). Leur fastueux mécénat s’exerce en dehors de leur province d’origine, mais la manne pontificale se répand sur leur entourage, suscitant des fondations ecclésiastiques et seigneuriales où se multiplient les autels dédiés à la Vierge de Pitié et les groupes de la Mise au Tombeau.

«Le XVe siècle a été l’époque la plus néfaste à nos édifices romans», constate René Fage. La guerre de Cent Ans en fut la cause. Il fallut, en effet, réparer ou même reconstruire beaucoup d’églises qui prirent alors un aspect défensif, protégées par des mâchicoulis, échauguettes et chemins de ronde. Toujours élevées par des maçons et des charpentiers du pays, «elles ont une solidité extraordinaire, un air de jeunesse étonnant» (J.Nouaillac).

Les guerres de religion vont, une fois encore, les mettre à l’épreuve. Beaulieu eut particulièrement à en souffrir quand, à la fin d’octobre 1569, les armées huguenotes saccagèrent l’abbaye de fond en comble, brûlant les boiseries, brisant les statues et emportant les reliquaires…Dès la fin du siècle, les décrets du Concile de Trente orientent l’art religieux vers des voies nouvelles. Sa mission est d’affirmer les dogmes et les croyances rejetés par les Protestants, entraînant un enrichissement considérable des sanctuaires. Ce ne sont plus, comme à l’époque romane les tympans et les chapiteaux qui vont instruire les fidèles, mais les retables et les tableaux d’autel. Des artistes locaux, les sculpteurs Duhamel, les peintres Cibille, mettent en œuvre ce programme avec talent. Une grande partie de leur œuvre échappera à la tourmente révolutionnaire qui causa, cependant, des dommages irréparables. Dès le début du XIXe siècle, on relève et restaure les églises abandonnées ou ruinées dont les murs s’ornent de tableaux donnés par l’Etat et de Chemins de Croix. Puis on n’hésite pas à en raser certaines et à les reconstruire dans le style gothique, Argentat en étant l’exemple le plus significatif ou roman, comme à Saint-Sernin de Brive.

Une décoration sans originalité, qualifiée de «saint-sulpicienne» va propager des images et des cultes nouveaux voués notamment au Sacré-Cœur et aux apparitions de la Vierge liées à la promulgation, en 1854, du dogme de l’Immaculée Conception. Le clergé du XXe siècle a plus ou moins éradiqué les manifestations de ces dévotions. Ventes abusives, vols et restaurations drastiques ont considérablement appauvri le patrimoine. Mais il s’est aussi accru, grâce aux créations d’artistes de talent, surtout dans le domaine de la peinture murale et du vitrail.

C’est en 1970 que le Conseil Général de la Corrèze entreprit, à l’initiative de son président, M.Jacques Chirac, alors ministre de l’Agriculture, l’étude d’un plan de sauvegarde du patrimoine architectural, qui débuta dès l’année suivante et qui poursuit toujours son œuvre.

Véritables conservatoires d’art sacré, malgré tant de vicissitudes, les églises de Corrèze ne sont pas des musées sans âme. Des générations y ont imploré secours et rendu grâces, baptisé leurs enfants et pleuré leurs morts. Les pierres portent témoignage de ces joies et de ces deuils. Puissent-elles, pendant longtemps encore, constituer un patrimoine toujours vivant.